« Certaines histoires doivent être contées, d’autres tues.

Je prends le parti d’exposer la vérité concernant l’histoire la plus connue qui soit, probablement la plus dissimulée aussi. Cette histoire donc, est celle du monde. De notre monde. Puisqu’aujourd’hui le temps n’est plus tourné vers l’Avenir porteur d’espoir, mais vers le présent immédiat et éphémère, je conterai la vérité sur la Terre et les hommes pour éclairer, peut-être, nos lendemains.

Il était une fois Dieu, être insaisissable qui est Trois et Un. Trois personnes, pour une entité : telle est la Sainte Trinité, composée du Père, du Fils, et du Verbe ou Esprit Saint. Dieu le Père, avec le Verbe, subsistait dans l’univers immense -celui des choses visibles et invisibles, finies et infinies. Il prit de ses mains de la Matière, la pétrit et la plaça dans un espace-temps donné. Ainsi naquit la Terre. Et en cet instant, autour de Dieu se formèrent naturellement les neufs espaces célestes, les neuf royaumes des Cieux. Or, puisqu’à toute chose il fallait un opposé, l’antithèse de Dieu, son frère le Diable créa l’Antimatière, la distorsion temporelle, le Chaos et le Néant. Les neufs Enfers se bâtirent sur des ruines, simulacres d’un nouveau royaume où régnait la destruction et le désordre. La Terre se situait ‘verticalement’ entre ces deux plans (le Paradis et l’Enfer), mais placée dans l’univers des choses visibles et finies, tandis que dans celui des choses invisibles et infinies naissaient les Limbes. Sur cette Terre et dans les Cieux, Dieu créa les fleurs, les arbres, les animaux, tout ce que nous connaissons de flore et de faune. De l’univers immense, Dieu tira des astres magnifiques, étoiles, nuages de gaz, comètes ; et de ces astres Il façonna des anges pour exécuter Ses ordres et chanter Ses louanges. En Enfer, dans un monde à la fois éclatant et sombre, où les rivières coulaient en lave ardente et l’herbe était roches, les démons naissaient. Dans un parallélisme tout de fragile équilibre, chaque fois que Dieu donnait naissance à un Archange à qui il insufflait l’une de Ses Vertus, des Enfers et du Diable naissaient un Démon Supérieur doté d’un des sept péchés mortels. Les Cieux et les Enfers se construisirent en opposition parfaite, à l’image de Dieu et du Diable. L’équilibre, respecté, assurait une harmonie de toute matière et de toute antimatière. La stabilité par la complémentarité.

Dans les Cieux pourtant cette harmonie fut brisée.

Dieu créa l’Homme : le mâle était Adam et la femelle Eve. Et Dieu dit à ses Anges : « Chantez la Gloire de l’Homme, et prosternez-vous devant lui, car de lui viendra mon Fils qui se tiendra à ma Droite et sera l’intermédiaire de vos louanges et prières. » Certains anges furent perturbés de cette nouvelle : ils ne comprenaient pas Dieu, n’appréhendaient pas que le Fils procédait de Lui et était de même Nature que Lui, qu’il existait d’ores et déjà en la personne de la Sainte Trinité mais restait encore non-révélé à leurs yeux. Un sentiment d’injustice entra dans le cœur des anges et ils se révoltèrent. Un instant ou un siècle, car aux Cieux le temps n’existait pas, et cette rébellion, menée par Lucifer (lui-même encouragé secrètement par d’autres anges plus perfides) éclata au grand jour. Les Rebelles ne voulaient pas d’une entité qui se poserait entre Dieu et eux. Alors, dans les Cieux Immaculés, les Anges répandirent le sang de leurs frères. La Cité de Dieu, la Jérusalem Céleste, devint aussitôt le triste théâtre de ce sanglant épisode, qui s’acheva par l’anéantissement de l’Equilibre entre Dieu et le Diable, entre les Cieux et les Enfers, entre la Matière et l’Antimatière. Dieu arracha les ailes du sublime Lucifer, et le propulsa, avec ses partisans, dans l’Abîme des Enfers, jusqu’à l’Etang de Feu.

Depuis ce jour, dans les Limbes naquit un champ de bataille infini : La Grande Médiane. Le sol y était veiné de furieuses rivières de lave en fusion, ses plafonds -d’une hauteur infinie- supportaient le poids d’épais nuages blancs chargés de neige froide, qui tombait inlassablement. Dans cette région, se déversèrent des armées d’anges et de démons, qui désormais sans aucun répit bataillaient, avec pour seul mais indéfectible moteur la haine farouche de deux partis opposés.

L’insulte pour le Diable fut grande : Dieu usa, à sa guise, des Enfers comme d’un lieu de rebus, d’une déchetterie pour ceux qui n’étaient plus dignes de demeurer dans les mondes célestes. Cependant, le Diable prit avec lui ceux qui avaient déchu, les Rebelles à Dieu. Sa vengeance pourtant ne souffrit aucun délai. Bien qu’il ait gagné de nouveaux partisans, l’injure qui lui fut faite de la part de son Contraire était trop importante pour passer sans qu’il ne réagisse. Dieu devait apprendre, comprendre, que les Enfers étaient tout aussi dignes de respect que les neufs Royaumes Célestes. Il prit alors forme serpentine pour tenter la Femme et faire déchoir l’Humanité, qui vint en milliers d’individus peupler la Terre, où ils furent tous soumis au Mal tout autant qu’ils pouvaient l’être aux Bien.

Satan, qui était et reste l’un des Sept Démons Supérieurs, présidant au péché de Colère et considéré comme le Prince des Enfers, n’accueillit pas les nouveaux venus de bon cœur. Pour lui, enfant des laves brûlantes des Abîmes, de telles créatures ne pouvaient venir ici où leur odeur de sainteté, toute entachée de péchés qu’elle soit, ne savait se fondre avec l’environnement, avec la nature même du lieu. L’essence même des Déchus, nés anges, s’opposait radicalement aux démons : les premiers résidaient en des astres magnifiques, tandis que les seconds se voyaient avoir pour nature profonde les pires cataclysmes qui frappaient la Terre : Volcans, Tornades, Ouragans, Raz-de-Marée… Cependant il lui fallut se rendre à l’évidence, les Enfers, émanation du Diable, n’avaient ni rejeté ni détruit les créatures pécheresses, tout juste en avaient-ils transformé certaines. Par les lieux mêmes de leur géhenne acceptés et soignés, les Anges Rebelles se firent une place indéfectible parmi les habitants originels de ces royaumes. Usant pour certains de meurtre, de trahison, d’envoûtements, de traitrise, ils saisirent des postes clefs et imposèrent leur existence, l’assumant de plein droit, la tête haute. Cela ne plut pas à tout le monde, mais devant la montée en puissance de nombre d’entre eux, qui prirent place de Démons Supérieurs, Satan dut remanier son Conseil des Sept et s’accommoda bien vite d’un déchu pour second.

Le temps passa, mais à cette époque il était encore instable et nul n’aurait su le mesurer. Les Humains attirèrent le regard de quelques Anges, les priant et les honorant, et certains d’entre eux, menés par Samyaza, trouvèrent ces enfants de Dieu à leur goût. Il en fut de même pour les démons, car ce qui se fait dans un sens se fait aussi dans l’autre. De ces unions naquirent deux races hybrides, les Néphilims engendrés par les anges, et les Djinns engendrés par les démons. Les légendes sont nombreuses, qui courent sur ces créatures mythiques. Cependant, ces hybrides, s’ils ont des spécificités dues à leur ascendance, ressemblent plus ou moins à un humain, malgré les mythes qui leur prêtent une forme fabuleuse et des pouvoirs hors du commun. Quelques détails comme la couleur des cheveux par exemple diffèrent, mais dans l’ensemble, ils semblent ordinaires. Le pire vint après, lorsque naquirent des enfants de l’union des Anges et des Démons. Ces hybrides dépourvus de pouvoir, malgré les capacités extraordinaires de leurs parents, furent appelés Dragons. Ni bons, ni mauvais, ils ne se distinguaient pas des plus simples hybrides. Leur existence à tous pourtant, provoqua le courroux de Dieu. Et malgré ce que disent les écrits des hommes, Celui-ci ne se vengea pas uniquement contre les Néphilims, en déversant les eaux sur la Terre. Les textes, en ce sens, n’offrent qu’une vérité partielle : des hybrides échappèrent au châtiment Divin. Les Dragons subirent semblable courroux. Beaucoup d’entre eux disparurent quand les flots se déchainèrent, mais d’autres, plus forts ou plus chanceux, survécurent. Les anges pécheurs furent attrapés, châtiés et emprisonnés au deuxième Ciel, dans la prison céleste de Raquia. Avec le temps, de plus en plus de Rebelles les y rejoignirent -quand Dieu ne leur arrachait pas leurs ailes pour les propulser dans l’Abîme. Et peu à peu, certains s’en échappèrent.

De longues années s’écoulèrent. Le Messie, Fils de Dieu, engendré du Verbe dans le corps vierge de Marie, racheta les âmes des pécheurs humains, qui étaient enfermés dans les limbes inférieurs en attendant le Pardon. Toutefois cela ne rendit pas les hommes meilleurs. Les religions bataillaient pour obtenir des fidèles, et quelle que soit la forme qu’on Lui donnait, sur Terre, Dieu était omniprésent. En Europe, les humains attirèrent sur eux encore une fois la fureur Divine, sous le règne de l’Empereur Néron. Alors le Seigneur donna aux barbares de l’Est l’occasion de dévaster cette orgueilleuse civilisation, comme Il avait autrefois envoyé Raziel châtier les villes pécheresses de Sodome et Gomorrhe. Par le biais des invasions barbares, quelques siècles après que son fils ait racheté l’Humanité, Dieu lança les prémices de l’Apocalypse. La Terre en ces endroits maudits trembla furieusement, les fléaux s’abattirent sur les faibles créatures mortelles. Arrivés en masse des Limbes, Anges et Démons virent tourmenter, séduire, perdre et sauver les humains mis entre leurs mains. De la Bête, L’Ange de l’Âbime nommé Abaddon, le sceau faillit être brisé et l’Apocalypse lancée. Par miséricorde, Dieu retint Sa Main vengeresse et donna à l’Humanité, œuvre la plus aboutie Sa Création, une seconde chance. Terrible avertissement bien que laissé sans suites, cette Apocalypse avortée eut un moment de profonds effets et l’Homme épargné prospéra.

Le monde d’aujourd’hui s’est défait de Dieu, et a érigé à Sa place la science et la logique, la technique, le raisonnement et les preuves indiscutables. La métaphysique et la théologie ne sont plus dans l’esprit de la plupart des enfants de Dieu, dont une bonne moitié a désormais la consommation de masse et les loisirs comme religion. Leur existence améliorée, ils ne trouvèrent plus d’obstacles sur leur chemin, sinon la mortalité imposée par Dieu. L’orgueil des hommes alla augmentant au fil des siècles, des décennies, des années, alimenté de découvertes révolutionnaires. En ces temps obscurs leur génie les mena à repousser les limites de l’imaginable : la Bombe H entre les mains, ils se firent juges et exécuteurs à la place de Dieu. Ainsi la fin de la Seconde Guerre Mondiale fut-elle achetée par le plus grand sacrilège jamais perpétré : l’extermination de deux villes des îles Nippones. L’Homme qui, depuis toujours, se savait mortel, avait désormais la certitude de pouvoir anéantir l’Humanité dans sa Totalité. Il avait acquis le Pouvoir de Dieu, pris Sa place dans l’Ordre de l’Univers pour se faire Juge et Partie. Faible créature, jadis soumise au Seigneur qui avait pouvoir de vie ou de mort sur lui, il venait avec la Bombe H de s’affranchir de son Créateur.

Que va-t-il se passer alors ? Combien de temps encore Dieu supportera-t-Il l’affront qui Lui est fait, malgré les prières de ses fidèles ? La perversion et la déchéance de cette race semble inexorable, toutefois l’espoir n’est-il pas permis ?

De Son Trône au-dessus des Hayyoth et des Kerubims, Dieu leva la main et son décret, silencieux et encore secret, fut prononcé et irrévocable : la fin des temps devait avoir lieu. Quelques indices filtrèrent pourtant et de sourdes rumeurs furent chuchotées en aparté, soufflés au coin d’une oreille ou d’une autre. Ces murmures parvinrent jusqu’aux Enfers et alarmèrent les Sept Démons Supérieurs. Chacun de leur côté, ils se renseignèrent. L’un trouva Mexico, qui sous son nuage de pollution était cachée du Regard de Dieu, un autre proposa d’y former un rassemblement pour empêcher l’avènement de la Fin des Temps. Enfin, au 19ème jour de Janvier de l’an 2011, le conseil des Sept se réunit et le couperet tomba. Ils arrêteraient l’Apocalypse, et leur point de ralliement serait Mexico City, capitale du Mexique.

Au même moment, ou presque, une respiration divine plus tard peut-être, trois des Sept Grands Archanges, réunis par le hasard, prirent la décision de servir Dieu et Sa Volonté quoi qu’il arrive, quels que soient les doutes et les bruits de couloir. Ils s’occuperaient personnellement de la Capitale Cachée du Mexique, et seraient, avec leurs frères, les yeux et les oreilles du Seigneur afin que Sa Volonté soit faite. C’est ainsi qu’ayant prévenus leurs quatre autres frères, les Archanges partirent en croisade. Mexico alors, ville encore innocente, serait le théâtre et la clef du sort du monde.

Déjà, les premiers signes se manifestent, prémices de temps terribles… »