La première journée de Lucy dans ce nouvel établissement commençait assez mal en réalité. La jeune fille s’était réveillée tout simplement parce que son réveil n’avait pas sonné et le majordome n’avait pas encore appris l’heure à laquelle il devait venir vérifier si elle était levée. Elle n’eut pas le temps de manger chez elle et les servantes n’avaient pas non plus préparé son petit déjeuner. Elle dut donc prendre quelques gâteaux au hasard dans le placard de la cuisine et se débrouiller pour les manger dans la voiture. Enfin, dans la limousine. Mais le majordome refusa tout de suite, sur ordre de son père, de continuer de se nourrir dans la pauvre limousine. En effet, celle-ci servirait pendant la journée à Monsieur White. Or celui-ci ne désirait pas voir de miettes et de déchets dans sa voiture. Lucy grogna sur le champ. Elle n’avait pas non plus le droit de manger dans les couloirs de l’établissement et dans les classes de cours. En somme, elle devait être dehors. Mais malheureusement, le destin s’était acharné sur elle : cette journée, bien que la saison des pluies ne fût pas encore là, il pleuvait des cordes. Lucy ne pouvait pas terminer ses gâteaux ni remplir son petit estomac qui réclamait violemment de la nourriture. Elle soupira rien qu’en y pensant et ne cessa de se plaindre tout le long du voyage, tout en prenant soin de faire pleins de reproches à son père.

Mais le pire fut que la limousine fut coincée dans les bouchons matinaux de la population du centre-ville. Lucy jura en anglais et comme ce ne fut pas très beau, elle se fit reprendre par le majordome. Elle répliqua sur le champ que son père la laissait dire de tels mots dans ses chansons alors pourquoi pas dans la vraie vie. Puis, elle se vexa : elle était tout de même assez grande désormais pour pouvoir faire et dire ce qu’elle souhaitait ! Tout le long de la durée de la route, Lucy déprimait. Quand tout commençait mal, tout continuait dans la même direction. Que se passera-t-il alors dans cette journée, qualifiée de « pourrie » ? Lucy se le demandait bien. Elle réfléchissait pour trouver des scénarios qui relataient des journées de plus en plus nulles. Au moins, cela l’occupa un peu et elle ne pensa plus à son estomac. Elle ne parla plus d’un ton sec au pauvre majordome qui ne faisait que son travail et en plus de cela, la jeune fille lui criait après parce qu’elle était de mauvaise humeur. S’il avait su, il l’aurait réveillée plus tôt … De cela il en était sûr.

Une fois arrivée à Keimoo, elle descendit de la limousine et le majordome l’attendait avec un parapluie déjà ouvert et prêt à l’accueillir en dessous. Mais elle préféra se mouiller. Encore une fois à cause de sa mauvaise humeur, elle lui conseilla de l’utiliser pour lui-même, avant de partir sous la pluie et d’entrer dans le hall de l’établissement. Maintenant, Lucy devait apprendre à se repérer et trouver sa salle. Sauf que personne ne lui avait donné le plan et de plus, elle était déjà bien en retard. Elle décida donc d’étudier le plan qui était affiché sur un tableau dans le hall. Elle déposa alors son sac de cours sur le sol comme elle avait l’habitude de le faire au Royaume-Uni dans son lycée. Tout le monde faisait la même chose là-bas. Elle n’avait pas remarqué qu’ici ce n’était pas le cas. Elle le laissa alors sans surveillance et partit voir où se trouvait la prochaine salle de cours dans laquelle elle devrait souffrir : en effet, elle avait deux heures de mathématiques, matière qu’elle détestait le plus au monde. Les mathématiques ne servaient pas pour être chanteuse ! Ni bassiste ! Elle suivait toujours ces cours avec ennui et sans envie. Elle arriva devant le plan et tenta de le comprendre. Bien sûr, elle savait parler japonais couramment et parfaitement. Toutefois, en ce qui concernait la lecture et l’écriture, c’était déjà autre chose. Elle ne comprenait pas tous les kanji et certaines combinaisons également. Elle avait parfois du mal à écrire de beaux travaux à cause de cela aussi. Elle prit donc cinq bonnes minutes pour comprendre à peu près le plan et en même temps, trouver sa classe.

Ensuite, elle regarda sa montre et déclara qu’elle irait pour l’instant à la bibliothèque en attendant le cours de mathématiques. Même si elle avait une deuxième heure de cours d’anglais à la suite, elle ne voulait pas la suivre. Premièrement, elle estimait que c’était impoli de débarquer aussi soudainement en cours à la deuxième heure et ne pas être allé à la première. De plus, elle parlait déjà anglais couramment donc ces cours ne lui servaient pas vraiment à quelque chose. Mais l’administration avait tranché : Lucy devait se rendre en cours d’anglais parce que c’était la langue obligatoire pour ceux de sa classe. Elle avait tenté de tout faire pour éviter cela, mais rien n’y fit. Elle s’était donc promis de venir de temps en temps, mais pas toujours. Or le premier jour, c’était assez important donc elle voulait s’y rendre. Sauf que les bouchons l’en avait empêchée. Elle grogna rien qu’en y pensant. Elle aurait pu dormir plus longtemps tout de même ! Elle réfléchissait à tout cela pendant les quelques secondes qui la séparaient de son sac. Puis, elle releva la tête.

C’était à ce moment qu’elle le vit. Ce garçon, avec des yeux couleur noisette, des cheveux bruns et une corpulence svelte. Il était allongé par terre, certainement suite à une chute. Il semblait la regarder avec des yeux froids. Lucy sentit alors un frisson parcourir son corps entier. Le garçon lui parut alors mystérieux et distant. La jeune britannique en déduisit alors qu’il devait être très timide et que quelque chose le rongeait. Bien sûr, elle n’allait pas le lui demander. Tout d’abord parce qu’elle ne le connaissait pas et puis ce n’était pas poli de parler de cela la première fois que l’on rencontrait quelqu’un. Elle ne savait pas quoi penser en réalité de ce jeune homme qui l’intrigua sur le champ. Elle le fixa quelques secondes sans rien dire. Pendant ce court temps, elle se rendit également compte que le garçon avait marché – et par la même occasion sali – son sac préféré et qui lui avait coûté un peu cher. Une envie folle de crier la traversa mais elle se retint. Ce n’était pas seulement la faute de ce garçon mais aussi de celle Lucy. D’accord il devait regarder où il marchait mais après tout, Lucy ne devait pas laisser traîner son sac non plus. Et tout d’un coup, il s’exclama en anglais. Alors il semblerait qu’il était également anglophone ? Ou ce n’était juste qu’il savait que Lucy parlait anglais ? Alors tout ce qui lui vient à l’esprit fut :

- Oh je suis désolée et très confuse, dit-elle d’une belle voix et sur un ton d’aristocrate britannique. Veux-tu que je t’aide ? Peut-être t’es-tu blessé ?

Elle hésita à lui tendre sa main pour l’aider à se relever puisque tout d’un coup elle se posa la question si elle avait bien fait ou non. Si ses paroles avaient été justes ou si elles pouvaient, au contraire énerver le garçon. Elle fut donc très mal à l’aise sur le champ, gênée par ce qu’elle venait de dire. Mais cela, elle ne pouvait pas le dire ni le montrer. Finalement elle tendit timidement un tout petit peu sa main. S’il acceptait, alors elle la lui tendrait entièrement …